Hortense : Moi, j’en avais plein ! En effet, même si je fais mes études à l’IPSA, je ne suis pas toujours très rassurée à l’idée de prendre l’avion. (rires) Mais ce dont j’avais le plus peur, c’était de tomber malade durant le vol ou de subir certains effets secondaires de la scopolamine qu’on nous conseillait justement de prendre avant le vol pour ne pas être malade. Heureusement, ça s’est super bien passé pour moi !
Hadrien : De mon côté, je n’avais pas particulièrement de crainte dans le sens où cela fait un certain temps que ces vols 0g sont organisés dans le cadre des campagnes du CNES. Par contre, j’étais tout de même curieux des potentiels effets secondaires de la scopolamine dont nous avait parlé notre ingénieur référent. Pour autant, la peur a rapidement fait place à l’excitation. Plus la date du vol approchait et plus j’avais envie de savoir ce que ça faisait de vivre une telle expérience !
Hortense : Je pense, oui !
Hadrien : C’est le souvenir d’une vie ! On a conscience que ce n’est clairement pas donné à tout le monde de pouvoir prendre part à une expérience pareille. Le 0g, ça donne une autre dimension de soi, de comment on peut se déplacer, des libertés qu’on peut avoir… et c’est vraiment un ressenti extraordinaire ! Nous avons pu l’expérimenter 31 fois via 31 manœuvres de l’avion – les fameuses paraboles – en oscillant entre le 1g – c’est-à-dire le vol de croisière – et le vol 2g – ce qui équivaut à deux fois notre poids – pour ensuite passer en 0g. Cet enchaînement successif entre 1g et 2g a été assez éprouvant pour le corps. Après ce vol, on était assez fatigués !
Hortense : J’ai même dormi le temps de revenir à l’aéroport ! (rires) Après, cela a beau être super fatiguant, les sensations ressenties ont vraiment été très agréables. Au départ, j’imaginais pourtant que ça allait être plutôt violent, un peu comme dans les manèges, avec cette impression d’avoir tous les organes qui remontent suite à une accélération et un arrêt soudain… Mais en fait, ça ne fait pas du tout ça !
Hadrien : C’est aussi l’importance de notre mission qui expliquait notre inquiétude quant au fait de potentiellement être malade. En effet, il faut savoir que, généralement, 10% des personnes le sont lors d’un vol 0g. Sur notre vol, la proportion a même été plus importante, avec sept personnes malades sur la trentaine de personnes présentes à bord !
Hortense : Pendant l’expérience et donc la phase de micropesanteur, nous devions déconnecter notre robot de l’électro-aimant au bon moment afin qu’il puisse avoir une trajectoire correcte : si on le « lâchait » un peu trop tôt et que la micropesanteur n’était pas stabilisée à cause des variations possibles, le robot tombait directement ! Nous devions donc réussir à rester assez concentrés durant chaque manœuvre. Par chance, ni Hadrien ni moi n’avons été malades ! Sans cela, ça aurait compliqué les choses.
Hadrien : Nous étions vraiment très motivés : cela faisait déjà 10 mois qu’on travaillait sur le projet en nous investissant énormément. On savait ce qu’on devait faire et on avait à cœur d’y parvenir ! Et comme tout s’est finalement bien passé, nous avons pu profiter des 3 à 4 paraboles supplémentaires que nous avions « gardées » au cas où pour aller dans une zone de « free floating ». Cette zone est une « cage » de filets permettant d’évoluer un peu comme on veut, en toute liberté. Il faut savoir que, dans le reste de l’avion, nous devions obligatoirement être sanglés pour ne pas nous envoler – il y a toujours un risque de ne pas avoir le contrôle de ses mouvements. Notre ingénieur référent nous avait logiquement alertés en amont, avec un gros travail de prévention. Le risque le plus important était, par exemple, de m’envoler durant l’expérience pour ensuite retomber en phase 2g sur l’étagère en métal ou sur Hortense ! Et prendre le poids de quelqu’un en 2g sur la tête, ce n’est pas rien… D’où la nécessité pour nous de rester concentrés en permanence au même titre que les scientifiques présents, tous très studieux dans ce qu’ils faisaient. L’atmosphère dans la cabine était assez phénoménale à ce niveau. C’était bluffant et inspirant de voir tout le monde être aussi organisé et méticuleux dans ce contexte.
Hortense : L’expérience consistait au départ à faire déplacer notre robot suivant tous les axes grâce à des translations et des rotations. Cependant, Novespace nous a finalement expliqué qu’il était impossible de tester les translations, ces dernières se faisant avec un circuit pressurisé et du CO2 sous pression. Un tel circuit aurait alors demandé un encadrement bien plus strict et bien plus de normes à respecter dans un endroit confiné comme la cabine. Après discussion avec Novespace et le CNES, nous avons quand même décidé d’y aller pour plutôt étudier la dérive qu’il aura de lui-même dans l’espace. Une fois analysées, les données recueillies vont nous permettre d’en apprendre davantage et de comprendre comment éviter qu’il ne dérive à l’avenir, en calculant par exemple la vitesse d’éjection dont il aura besoin pour se déplacer.
Hadrien : Notre travail d’opérateurs était ainsi plus subtil qu’il n’y paraissait. Même si, grossièrement, on pouvait se dire que l’on avait juste à désactiver un électro-aimant, chaque essai demandait vraiment un timing très précis. En effet, le vol 0g étant expérimental, on rencontrait à chaque fois des variations de g, que ce soit positivement ou négativement. On devait toujours « attraper » le bon moment pour lâcher le robot sans qu’il ne se prenne un g négatif et commence à partir très haut.
Hadrien : Alors oui, on avait bien Thomas Pesquet à bord avec nous, pas en tant qu’astronaute mais en tant que pilote. Sur chaque vol 0g, l’équipage compte d’ailleurs toujours quatre pilotes se relayant, les manœuvres étant assez fatigantes. De ce fait, comme il était très occupé par son travail et nous par notre mission, nous n’avons malheureusement pas eu l’occasion d’échanger directement avec lui. Bon, on a quand même des photos où nous apparaissons ensemble puisqu’il est resté un certain temps à côté de nous pour regarder notre expérience et voir comment elle évoluait !
Hortense : Oui, il faut notamment qu’on analyse les suivis de trajectoires.
Hadrien : Notre travail et la campagne Parabole, finalement, ne sont pas finis. Le vol en était une étape. Désormais, nous devons réaliser un rapport final des résultats scientifiques qui est à rendre d’ici la fin de l’année. Comme nous avons candidaté avec un objectif scientifique, nous devons donner nos conclusions au CNES à ce sujet. Il y a donc encore de quoi faire ! Et puis, même après la campagne Parabole, le projet AMIS se poursuivra, avec par exemple l’idée de développer un modèle aquatique du robot !