À Lille le 4 avril, c'était la journée de la création, un évènement organisé à e-artsup Lille. À cette occasion plusieurs activités avaient lieu et notamment : - la création d'un fanzine - un workshop relatif au FabLab (qui réunit les créatifs d'e-artsup et les ingénieurs de l'ESME Sudria Lille) - une conférence sur les « 10 réalisateurs à connaître avant de mourir », donnée par Maxime Olivier, enseignant en histoire de l'art, en histoire du graphisme et en culture visuelle (en anglais). Elle avait pour but de nourrir la créativité des étudiants. Retour sur ce classement objectif qui réunit des réalisateurs ayant marqué visuellement leur époque.
Buster Keaton « Si voir des films muets, en noir et blanc et qui ont presque 100 ans peut ne pas donner envie aux étudiants, il deviennent tous clients de Buster Keaton une fois qu'ils y ont goûté », affirme Maxime Olivier. Et pour cause : il semble difficile de s'ennuyer devant un film de celui qu'on surnommait « l'homme qui ne rit jamais » et qui donna ses lettres de noblesse à la slapstick comedy. Ses films sont très visuels et comportent un nombre conséquent de gags dantesques réalisés avec peu de moyens. Et si d'autres noms de cette époque sont également à conseiller (Charlie Chaplin et Harold Lloyd en tête), Buster Keaton est de loin le plus impressionnant à voir, ses gags « toujours aussi incroyables visuellement » bénéficiant « d'un superbe timing dans la mise en scène » et d'un « sens de la comédie extraordinaire ». Il est à noter que l'influence de Buster Keaton est toujours d'actualité : l'oscar 2012 du meilleur court-métrage d'animation, « The Fantastic Flying Books of Mr. Morris Lessmore », puise ouvertement son inspiration dans l'œuvre du cinéaste américain.
Fritz Lang Plus que pour son œuvre générale fortement recommandable, Fritz Lang est d'abord à connaître pour son « Metropolis » de 1927 : « une symphonie visuelle assez incroyable » qui va inspirer plus d'un artiste pour son esthétisme, ses dizaines d'images marquantes et ses innovations dans l'utilisation des trucages. « Futuriste et dantesque » encore aujourd'hui malgré son âge, il contient de nombreuses scènes d'animation en stop motion très agréables. Parmi les grands noms influencés par ce classique intemporel citons le mangaka Osamu Tezuka (qui dessina son propre « Metropolis », plus tard adapté en film par Rintaro) ou encore les réalisateurs contemporainsTerry Gilliam et Michel Gondry, spécialistes des « trucages maisons ».
Charles Laughton Davantage connu pour son passé d'acteur, Charles Laughton a néanmoins signé un poème visuel assez incroyable en 1955 lors de son unique incursion derrière la caméra : « La Nuit du Chasseur ». C'est d'ailleurs le film préféré de Maxime Olivier : « Il est génial car très étrange et très loin de tout ce qu'on pouvait imaginer du cinéma américain des années 50. Ce sera d'ailleurs un échec commercial pour le réalisateur. » La force de ce film réside autant dans la manière dont il traite son récit que dans sa conception visuelle. « C'est la preuve qu'on peut faire un film qui parle d'un serial killer poursuivant des enfants tout en étant poétique : l'utilisation du noir et blanc, d'une espèce de lenteur et de plans très beaux contraste avec l'histoire qui est super sombre ». Entre le conte pour enfant déviant et la fable négative, « La Nuit du Chasseur » reste un classique hypnotique et irréel, servi par de superbes perspectives, des décors parfaits, un cadrage précis et un jeu d'acteurs saisissant.
David Cronenberg Si la filmographie de David Cronenberg fourmille de films transgressifs, le choix de Maxime Olivier s'est principalement porté sur « eXistenZ » au moment d'aborder le profil du réalisateur : « Beaucoup d'étudiants d'e-artsup veulent faire du game design et eXistenZ est justement un film qui réfléchit à la notion de réalité dans le jeu vidéo même s'il a forcément un côté un peu daté vu qu'il a été réalisé en 98/99 ». Alors que les jeux vidéo deviennent de plus en plus réalistes ou utilisent des outils d'immersion comme l'Oculus Rift, « eXistenZ » s'interroge sur où s'arrête la réalité et où s'arrête la fiction. Et comme pour nombre de films de Cronenberg, il comporte un univers visuel très organique. « Ce qui est génial avec Cronenberg, c'est qui rend le tout très inquiétant », explique l'enseignant.
Paul Verhoeven Rien de mieux que le film « Starship Troopers » de Paul Verhoeven pour montrer comment une satire politique peut être à la fois drôle et hyper violente. Nourri de fausses images de propagande et de journaux télévisés (une marque de fabrique du réalisateur), « Starship Troopers » n'est pas un simple film d'action fun : passé le 1er degré, il révèle une réflexion politique très intéressante. Son ironie totale et son humour acerbe en font une sorte de divertissement pervers qui peut être vu comme un pur moment de cinéma pop-corn mais aussi comme une critique antimilitariste et antipatriotique. Et si Maxime Olivier recommande le travail de Verhoeven, c'est parce qu'il sait justement manier les codes : « C'est quelque chose de vraiment important : il faut connaître les codes pour mieux les utiliser. C'est d'ailleurs une démarche propre à un autre réalisateur culte, Stanley Kubrick, qui a pris tous les types de films possibles pour en faire quelque chose de nouveau. Un bon communicant, quelqu'un qui fait des images, doit savoir utiliser les codes car ce sont ces codes que tout le monde a en tête. Et ce qui fait un grand communicant, c'est sa capacité justement à détourner ou améliorer ces codes. »
Wes Anderson Probablement « l'un des meilleurs fabriquant d'images actuels au niveau beauté formelle » selon Maxime Olivier,Wes Anderson est un esthète de la perfection stylistique. Et si ses contradicteurs peuvent lui reprocher un côté « un peu poseur » et sa manie d'utiliser « le ralenti à outrance », il est difficile de ne pas trouver ses films accrocheurs d'un point de vue visuel. Les images d'Anderson sont très léchées, très douces et agréables, et cela pour la simple raison que tout est calculé au millimètre dans chacun de ses films. Couleurs, décors, costumes, musiques, jeu d'acteurs : il y a un style Wes Anderson, ce qui prouve qu'il a mis sa pâte dans l'art. Et même quand il fait du second degré, comme le faux documentaire de « Moonrise Kingdom » ou le générique de « Rushmore », c'est décalé mais ça sonne juste.
Takashi Miike Parler de l'œuvre du japonais Takashi Miike sans parler de Quentin Tarantino semble quasi impossible aux yeux de Maxime Olivier : « C'est l'idole de Quentin Tarantino... et Quentin Tarantino est son idole ». Les preuves de cette connexion spéciale entre les deux réalisateurs ne manquent pas. Mais si Tarantino joue dans la scène d'ouverture de « Sukiyaki Western Django », le western japonais surréaliste et hilarant que Miike réalisa en 2008 en mélangeant occident et orient pour le meilleur et pour le pire, c'est bien avec la trilogie « Dead or Alive » du cinéaste nippon qu'on peut réellement comprendre ce qui lie ces deux énergumènes du 7e art. La scène d'ouverture du premier volet, très rapide, hyper violente, avec de vraies trouvailles visuelles et un montage épileptique, donne le ton du film et montre bien la capacité qu'a Miike à oser et faire des choses que le système des studios américains des années 90 n'aurait pas permis. Depuis, cette violence est devenue plus habituelle dans le pays de l'Oncle Sam... grâce aux films de Tarantino.
Kiyoshi Kurosawa Kiyoshi Kurosawa n'a aucun lien de parenté avec Akira Kurosawa et ne partage pas grand-chose avec le réalisateur des « Sept Samouraïs ». A l'inverse de son illustre homonyme, Kiyoshi Kurosawa s'est en effet spécialisé dans la réalisation de films angoissants particulièrement éprouvants pour le spectateur. « On ne peut pas appeler cela des films d'horreur à l'américaine comme les slasher movies, précise l'enseignant. Les films de Kurosawa sont des films avec une ambiance hyper dérangeante et une angoisse quasi-existentielle. » La force du réalisateur réside non pas dans des effets de manche éculés (flots d'hémoglobine, caméra destinée à faire sursauter, etc.) mais dans l'art de transposer visuellement des récits étranges et mystiques. « Racontées, les histoires de ses films ne font pas peur en soit, soutient Maxime Olivier. Mais visuellement, c'est incroyable et cela change tout. Par exemple, l'histoire de Kaïro consiste à dire qu'il n'y a plus de place dans le monde des morts : du coup, ces derniers arrivent sur Internet et donnent aux internautes des envies de suicide... » Pour cela, Kurosawa utilise la contemplation et fait l'éloge de la lenteur et du plan fixe. Cette approche a profondément changé les codes du cinéma d'horreur et inspire jusqu'à l'écrivain français Pacôme Thiellement qui compare ses films à de l'ésotérisme mis en vidéo.
Tsui Hark L'inventeur du « film de tatanes » et de « la baston chorégraphiée », c'est lui. En réalisant « Il était une fois en Chine » en 1991, Tsui Hark a profondément changé la vision des scènes de combat au cinéma. Son coup de génie ? Avoir fait appel au travail de chorégraphie de Yuen Woo-Ping dont ce fut le premier grand film après de nombreuses réalisations hongkongaises désormais cultes dont « Drunken Master » en 1978 avec Jackie Chan. Yuen Woo-Ping travaillera plus tard sur « Matrix », « Kill Bill », « Danny The Dog » ou encore « Tigre et Dragon ».
John Woo Si aujourd'hui, il y a dans chaque film américain des scènes de fusillades où les personnages sont face à face avec le revolver à quelques centimètres du visage, c'est par l'influence de John Woo, un autre héros du cinéma made in Hong Kong, et notamment de son film « The Killer » sorti en 1989. Avant cela, le cinéma US n'était que dans la mythologie du Far West, avec des personnages loin les uns des autres et prêts à dégainer. L'autre film majeur de John Woo, c'est « Volte-face ». « Tout simplement parce que c'est un film de Hong Kong mais avec des acteurs américains : Nicolas Cage et John Travolta. La mise en scène est juste incroyable, avec une fusillade finale où cinq personnages se braquent mutuellement, le revolver étant à 2 cm du visage ». Amusez-vous à relever les références dans les différents films d'action actuels : vous n'allez jamais vous arrêter de les compter.
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Proposé par l'association : BAZ'ART Auteur :T. (Ancien élève de l'IPSA) Date de rédaction :12/05/2014
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